46ème nuits des Césars- le cul de Masiero-les rides de Balibar, mais est ce vraiment le sujet ?

46ème nuits des Césars- le cul de Masiero-les rides de Balibar, mais est ce vraiment le sujet ?

46ème nuits des Césars- le cul de Masiero-les rides de Balibar, mais est ce vraiment le sujet ?

On élucubre ici et là sur la valeur du cul de Masiero et de la robe Chanel de Balibar. Quelle différence entre ces deux corps qui n’ont pas la même langue et se sont adressés à la France lors d’une remise des prix ?

Si l’une s’est couverte de sang, à chercher l’outrance des tabous, depuis la référence incestueuse de Peau d’âne jusqu’aux tampons accrochés comme des cerises aux oreilles ; l’autre a mentionné des noms de femmes coupables d’une politique et a décrié le jeunisme, voire la charge toute sexuelle que le cinéma donne au corps féminin et de facto disqualifie celles qui s’éloignent de leurs menstrues pour voguer vers la ménopause, indemnes de sang certes, mais porteuses de cette déliquescence maudite au féminin, qu’est la vieillesse.

Mais est-ce vraiment le sujet ?

Les deux corps de peau, sans peau, d’âne et de paillettes cherchent leur posture, leur posture politique. Corinne Masiero est croyante pratiquante, elle porte son gilet jaune, manifeste, elle a le corps militant, sa chimie est toute d’engagement, elle est comme ça, ses rôles ne peuvent pas être indemnes de cette goualante et les spectateurs l’aiment pour ça. Jeanne Balibar se disqualifie-t-elle en gardant sa robe et son mascara ?

L’écran télévisuel sémiologiquement surchargé ne sait plus quoi penser. La forme du message devient l’écran qui cache le message. Le portant sur le corps – qu’on ne saurait voir- on ne le voit plus. Déjà Marina Foïs avait doublé la référence scatologique dans sa présentation puis dans son discours.

Pipi caca popo sang sperme incestueux, l’organique s’est invité par le corps de ces femmes qui ne sont pas des princesses immaculées flottant dans une ouate parfumée au vétiver.

Mais est-ce vraiment le sujet ?

On les disqualifie, hors-jeu, hors-sujet, hors-de-propos : on est là pour rigoler, mais pas sur n’importe quoi, ni n’importe comment, hein ? Les arguments s’alignent sur la vulgarité des unes et l’indécence des autres, sur le trop-plein des revendications etc. Les spectateurs voulaient passer un bon moment, juste passer un bon moment, trouver consolation, s’offrir une petite cérémonie rodée d’un monde inaccessible où personne ne fait caca, ni pipi, ni popo, ni etc.

C’est raté.

Mais est-ce vraiment le sujet ?

Je regarde peu la télé et j’ai découvert les performances des uns et des autres sur You Tube, j’ai ri. Ces trois femmes sont intelligentes, disent la vérité et le font avec ce qu’elles sont. Je ne les ai pas trouvées ridicules, ou alors de ce ridicule que j’aime, celui qui aime la vie. Parce que l’outrance je la comprends, je la comprends parce qu’elle renvoie à une réalité saturée de soumissions. Mais il est vrai que le symbole a ses limites, que la représentation symbolique a des limites. Alors qu’une sœur agenouillée devant une junte birmane peut éventuellement amener le regard sur une crise majeure dans ce pays, un corps de femme nue ensanglantée sous une peau d’âne va au contraire détourner l’attention du sujet.

Mais est-ce vraiment le sujet ?

La vulgarité, l’obscénité n’est pas du côté des corps qui les dénoncent qu’ils soient agenouillés, nus, ou en Chanel, il est du côté du sujet dénoncé.

Ce qui est caca, c’est la réforme de l’assurance chômage, ce qui est violent et pipi, ce sont les multiples réformes qui ont brisé le statut déjà précaire des intermittents. Ce qui est popo, dégueu et à vomir, c’est cette condescendance à hurler à la décence quand TOUT est indécent dans la vie quotidienne de ceux qui vivent de peu.

L’art n’est pas essentiel, l’art est vital, l’art est le tout par lequel on échappe à la souffrance et rejoint la vie. Évidemment si l’on plonge les artistes et la masse des citoyens dans une insécurité sociale insoutenable, ils pensent d’abord à se nourrir avant de lire un sonnet. Mais n’empêche, l’art est une urgence vitale ; il est peau de chagrin à l’école, il est peau d’âne aux césars.

Faut-il être ignare pour ne pas se souvenir que l’outrance devient une nécessité politique et poétique quand la surdité et la confusion des décideurs devient insupportables ?

Sinon, niveau cinéma Corinne Masiero est géniale dans Effacer l’historique, Marina Foïs dans Enorme, et Jeanne Balibar dans Barbara. Je voudrais pas déranger mais en plus, ces femmes ont du talent.

Mais puisqu’il nous faut un sonnet plus classieux, voici celui de Rimbaud et Verlaine, qui pouvait leur valoir emprisonnement, il me semble qu’il conclut assez bien mon texte : en littérature, la métonymie vaut souvent blason, qu’il soit sein féminin, chevelure ou fesses charnues, l’organique c’est la vie, la jouissance aussi.

Il n’y a pas de joie sans art, donc, souvent en art, le sujet n’est pas le sujet, c’est la manière, ce sont les mots, c’est toute la posture joyeuse à dire le réel quel qu’il soit.

dalie Farah

"
    Sonnet du Trou du Cul
    Obscur et froncé comme un œillet violet
    Il respire, humblement tapi parmi la mousse
    Humide encor d’amour qui suit la fuite douce
    Des Fesses blanches jusqu’au cœur de son ourlet.
    Des filaments pareils à des larmes de lait
    Ont pleuré, sous le vent cruel qui les repousse,
    À travers de petits caillots de marne rousse
    Pour s’aller perdre où la pente les appelait.
    Mon Rêve s’aboucha souvent à sa ventouse ;
    Mon âme, du coït matériel jalouse,
    En fit son larmier fauve et son nid de sanglots.
    C’est l’olive pâmée, et la flûte câline,
    C’est le tube où descend la céleste praline :
    Chanaan féminin dans les moiteurs enclos ! "