A voir, à programmer : Larzac ! L’intelligence et le talent du collectif à travers le talent et l’intelligence du comédien et dramaturge Philippe Durand.
29 août 2023 2023-09-02 8:36A voir, à programmer : Larzac ! L’intelligence et le talent du collectif à travers le talent et l’intelligence du comédien et dramaturge Philippe Durand.
A voir, à programmer : Larzac ! L’intelligence et le talent du collectif à travers le talent et l’intelligence du comédien et dramaturge Philippe Durand.
A voir, à programmer : Larzac ! L’intelligence et le talent du collectif à travers le talent et l’intelligence du comédien et dramaturge Philippe Durand.
Ecrivain, comédien seul en scène.
Philippe Durand avait déjà proposé un seul en scène qui narrait l’épopée des Fralibs, ces ouvriers qui s’étaient élevés contre une multinationale puis s’étaient réapproprié leur usine pour créer une SCOP et produire leur thé selon leur savoir-faire : 1336. Comme les 1336 jours de lutte. Cf l’article écrit à l’époque :
1336 (Parole de Fralibs) de et par Philippe Durand – Dalie Farah
Le dispositif est simple, l’écrivain rend plusieurs visites, rencontre, enregistre, écrit et compose. Art de l’écoute, art du recueil, art du récit, art de la recomposition, art de l’interprétation et nous partons encore une fois avec lui, avec la foule des personnages qu’il incarne comme un chœur rassemblé dans un seul corps. L’écrivain ne vole pas il cultive et cueille ce qu’on lui a offert et à chaque prestation scénique il poursuit la lutte. L’incarnation n’est pas une mise en scène qui extorque un combat mais qui le maintient en vie sous une autre forme.
Larzac ! le combat de 103 paysans qui prêtent serment.
En 1902, l’état crée un camp militaire sur le Larzac-Nord au sud de Millau, en 1971, l’état annonce un projet d’extension du camp de 3000 à 17000 hectares. 103 paysans s’opposent à cette extension et s’engagent à ne pas quitter leurs terres. En 1981, renoncement de l’Etat et le Larzac devient « le laboratoire foncier de la France. »
Ce nouveau texte témoigne d’une force narrative et poétique sans jamais céder à l’exigence du propos. L’histoire contée n’est pas qu’une histoire de brebis et de berger, une histoire de « doux rêveurs » paumés dans une campagne belle en été et moche en hiver. C’est l’histoire de maintenant, de ce qui se passe maintenant sur le Larzac.
La valeur d’usage, posséder sans déposséder ou comment écrire l’ajustement et l’intelligence du collectif
Le spectacle commence quasi par un poème en prose sur le tracteur. « je rêvais de tracteur » dit une voix qui gouaille et d’amorcer une série d’expériences/témoignages de ceux qui sont devenus propriétaires sans l’être. Le talent de Philippe Durand et sa parfaite probité l’éloignent des clichés, et du prêt-à-écouter. Il ne propose pas ce que l’on voudrait entendre sur le Larzac, de jolies petites histoires où la campagne est une perverse narcissique qui adore et maltraite les gentils paysans. Pas de soleil qui se lève ou qui se couche, juste des gens et la gérance d’un bien collectif. Il va nous expliquer comment la centaine de sociétaires organisent la gestion avec un conseil de gérance de 11 personnes qui se réunissent deux fois par mois. Il s’agit de recruter de nouveaux agriculteurs sur les parcelles qui se libèrent, de prendre en compte leur sens du collectif et leur projet ; ceux qui sont retenus peuvent alors vivre et occuper un bien en propriétaire mais ne peuvent le vendre. A la retraite, ils le quittent pour le laisser à d’autres, plus jeunes avec un autre projet, un autre élan.
Larzac ! est plus qu’un spectacle, c’est une création qui porte à penser, à imaginer, à rêver aux possibles déjà possibles dans un présent à portée de mains.
De multiples formules, sentences, anecdotes viennent décrire l’expérience du collectif dans sa réussite réelle. C’est le seul modèle de ce type dans toute l’Europe, c’est un modèle qui fonctionne et devrait être un horizon à atteindre partout en France et grâce à ce texte, nous pouvons interroger nos repères qui sont autant de conditionnements toxiques et désespérants.
Sur le Larzac, il y a une repopulation paysanne, à l’inverse de la France ; dans le Larzac, il y a une production viable qui permet de vivre ; sur le Larzac, il y a une liberté et une foi dans l’intérêt collectif qui n’est pas « la somme des intérêts particuliers. » Les décisions sont prises en consensus, à l’unanimité après des débats qui ne sont pas toujours des parties de plaisir mais qui fondent le collectif.
Au commencement, le désir et l’amour de la terre.
Les paysans du Larzac ne sont pas tous du Larzac, ils sont « d’ailleurs » et ne veulent pas être décriés pour ça : « Vous avez vos morts ici et à part ça ? » Ils ont protégé cette terre, l’ont rendu à son sens premier : celui de Gaïa la déesse nourricière. Qui sont les gens du Larzac aujourd’hui ? « Des besogneux » Les puissances financières n’ont pas de prises sur eux : les bêtes sont nourries « directement au sol », les méthodes agricoles suivent la paresse endormie de la nature.
L’usage même des machines est minimaliste : « A chaque fois qu’on sort le tracteur, on fait une connerie. » L’agro-écologie c’est en « faire le moins possible ». Leur fierté c’est la main de l’homme et c’est la confiance en la terre et ce n’est pas une naïve croyance mais au contraire une démonstration faite depuis 40 ans d’un modèle agricole et économique qui offre la joie à ceux qui le pratiquent.
Larzac ! Pour la douceur, la littérature et pour le rire.
Ce spectacle émeut tout autant qu’il fait réfléchir et rire. Entre auto-dérision et ironie, Philippe Durand, même s’il insiste pour expliquer qu’il use des paroles brutes, crée des moments d’émotions éclairées par son art de la composition. Il y a un acte politique et littéraire à rendre les « mots » volés aux paysans par le greeenwashing et toutes les niaiseries bucoliques bonnes pour vendre des produits industriels mortifères.
« Les mecs y sont bons pour faire du tracteur dans un bac à sable. » Sur cette île agricole, on ne « démissionne pas de la terre » mais on renoue avec la « puissance d’agir ». Cette puissance partagée entre une artiste qui s’installe pour faire du théâtre, une secrétaire qui est la salariée du conseil de gérance, des bergers, des agriculteurs plus ou moins militants qui ne pensent pas la même chose mais désirent la même chose : un autre monde possible.
« Comme on n’est pas d’accord et qu’on a envie de l’être. »
Bientôt avec le vieillissement des propriétaires agricoles, 7 millions d’hectares vont se retrouver dans les mains de possibles spéculateurs fonciers. La menace est grande. Nous pourrions ne plus avoir de terre pour produire de quoi se nourrir. Il faudrait déjà envisager un autre modèle agricole, il faudrait se donner une chance d’offrir un foncier heureux et intelligent au lieu de créer des « chaînes à merde » où le pouvoir et l’intérêt particulier tuent le paysan avec sa terre.
Larzac ! affirme : « Avec beaucoup de patience, c’est possible. »
Dans une fin poignante et juste, Philippe Durand nous rappelle : « On quittera la vie », quitte à la quitter autant laisser sa place propre comme disait ma mère.
dalie Farah