Et l’homme de sa bouche viticole et parlementaire hurle à l’Afrique où il faudrait retourner. Réfugier, Carnets d’un campement urbain- Collectif
4 novembre 2022 2023-02-05 12:12Et l’homme de sa bouche viticole et parlementaire hurle à l’Afrique où il faudrait retourner. Réfugier, Carnets d’un campement urbain- Collectif
Et l’homme de sa bouche viticole et parlementaire hurle à l’Afrique où il faudrait retourner. Réfugier, Carnets d’un campement urbain- Collectif

Et l’homme de sa bouche viticole et parlementaire hurle à l’Afrique où il faudrait retourner.
Sans doute ces lèvres ont-elles goûté du Bordeaux, de ces vins qui font fierté de la terre d’où l’on vient, sans doute ces lèvres ont embrassé, ont mâché des mets choisis et les voilà qui articulent clairement et simplement : Qu’il.s retourn.ent en Afrique, singulier ou pluriel, l’histoire n’en saura rien, la grammaire est de son côté, du bon côté de la méditerranée, on ne saura si le député noir NUPES est insulté ou si c’est toute l’Afrique avec lui.
Il y a un an est paru aux Editions La Boîte à bulles, un coffret qui s’intitule REFUGIER. Dans ce coffret écrit à plusieurs mains, on raconte, on témoigne, on explore, on relie.


Divers auteurs ont écrit l’arrivée d’étrangers migrants à Clermont-Ferrand. J’avais moi aussi écrit un texte et c’est cette somme de textes, ces dessins, ces photos qui sont dans ce coffret. Cela fait un an que le livre est sorti, mais des années que la question des réfugiés est instrumentalisée par les bouches avides d’être élues, bouches qui jouissent de présenter le pauvre en assisté, le réfugié en parasite. Bien sûr, il ne faut pas se demander comment la pauvreté se fabrique, ni comment l’exil même fatal devient nécessité.

Le député aristocrate descendant d’un baron semble mesurer ses propos, il dit « assumer » de ce verbe de pleutre, de ce verbe inconsistant qui ne dit rien, qui dit j’assume, affirme sa bêtise et sa faute, on ne saurait l’en dissuader.
Quand ces hommes et ces femmes sont arrivés à Clermont, ils n’avaient presque rien, ils logeaient dans des tentes, n’avaient pas de quoi se nourrir et la ville de Clermont en avait été saisie. Des étudiants, des anonymes, des plus connus ont apporté leur aide. Au bout de trois semaines ils ont été relogés pour l’hiver. Les textes de ce coffret par leur éclectisme rendent compte de l’élan à s’exiler tout comme celui de la nécessaire solidarité. Ecrivains, chercheurs, étudiants… les mots ont pris acte d’un fait et l’ont écrit.

Le viticulteur a-t-il déjà vécu la précarité qui te pousse à quitter tout ce que tu as – c’est-à-dire presque rien – pour espérer mieux, comprend-il que risquer sa vie sur une embarcation fragile est la démonstration de l’impossible survie là où l’individu est né ? Faut-il lui pardonner de ne pas entendre la voix qui explique : » En effet, j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire; j’étais étranger et vous ne m’avez pas accueilli; j’étais nu et vous ne m’avez pas habillé; j’étais malade et en prison et vous ne m’avez pas rendu visite. » *
En 2017, ils venaient d’Afrique, d’Europe ou du Moyen-Orient et alors ?
Qu’on m’accuse d’angélisme si on veut mais qu’on ne me parle pas du poids de la misère du monde, comme si cette misère n’était produite que par elle-même. Je ne suis l’ange de personne mais comment faire la guerre aux pourvoyeurs de misère ? Je garde pour mes livres mes pulsions barbares, pour mes textes mes grognements animaux même si parfois me vient l’envie de mordre les faiseurs de mépris.
Je pourrais écrire des pages sur cette inconséquence intolérable de la mort de la solidarité, je pourrais écrire des pages sur ma honte à voir mourir chaque jour mon prochain de la main de nos égoïsmes, je pourrais bien sûr encore et encore brandir l’humanisme des Lumières, la devise républicaine pour dire combien tout crime contre la pauvreté est un crime contre l’humanité… mais Grégoire de Fournas ne me lira jamais, Grégoire de Fournas ne pourra jamais comprendre combien l’Afrique en moi ne lui fermera jamais la porte au nez, combien l’Afrique en moi lui sera hospitalière à lui et aux siens, combien l’Afrique en moi est plus grande que sa triste médiocrité.
dalie Farah

REFUGIER – Témoignages, articles, textes d’Arno Bertina, Marie Cosnay, Dalie Farah, Youssif Haliem, Jacques Jouet, Alban Lefranc, Florence Pazzotu, Jean-Pierre Siméon, Christiane Veschambre et beaucoup d’autres.
Direction éditoriale et artistique : Evelyne Ducrot, Catherine Milkovitch Rioux, Nathalie Vincent-Munnia.
Carnet 1: 128 pages, Carnet 2: 116 pages, Carnet 3: 6 pages, Coffret 3 livrets: 22 euros