Gens de Clermont V- C’est ici que je vis

Comme écrivain public, ma démarche est d’écrire pour. Non pas « au nom de », ni
même « à la place de », mais de mettre au service des habitants un artisanat qui m’est cher :
l’écriture.

Ainsi, je travaille très souvent avec des associations ou des instances qui ne sont
pas à proprement parler des lieux de production culturelle.

L’art est dans la ville, dans les
gens, je l’ai toujours su.


Dans le cadre de cette série Gens de Clermont, je me suis engagée auprès du CLCV.
L’idée est de saisir l’expérience sociale du relogement dans sa vérité à travers tous ses
acteurs.

Je vais m’intéresser tout particulièrement aux « décideurs », ce qui complètera un
travail initié avec la mémoire des habitants.

J’aimerais rendre compte d’un chœur : habitants, bailleurs, figures politiques de Clermont-Ferrand qui
ont participé à ce que l’on nomme la « rénovation urbaine ».
L’important est de rendre compte avec justesse d’une réalité mais aussi d’interroger les
possibles à venir, d’aller chercher par l’écriture du réel une vision à venir.

Extrait- 
SAMIRA- La rumeur fait peur. On te dit c’est ton bâtiment qui va tomber. Tu crois que c’est toi qui va tomber. Tu veux que ce soit le bâtiment de quelqu’un d’autre. On dit « Ils » vont démolir. On se demande qui. « Ils » c’est qui , ceux à qui on donne de l’argent depuis 20 ans ? Ces gens « ils » ils ont dû faire des réunions. C’est pas venu d’un coup si ? Je pense aux vieux. Aux plus vieux que moi. Les « ils » ils n’ont jamais vu de vieux ? Ils savent pas comment c’est fait un vieux ? Un vieux dans un H.L.M, il lui reste ses souvenirs et ses habitudes. Pas plus. Moi ça va, je suis vieille mais j’ai mes enfants, ils sont ma fortune, ils sont ma richesse. « Ils » Ils seront plus forts que nous. « nous » c’est les habitants. D’accord ou pas d’accord, on n’a pas le choix. Moi j’ai déjà quitté ma famille, mon pays. En toute sincérité, dans ma tête ici, je me suis fait une autre famille, même si je sors pas beaucoup, j’habite ici, j’existe ici, je suis chez moi ici. On est parmi les gens. On est des gens. Même si on décide pas. On est des gens. 20 ans. Qu’on se connaît ou qu’on se reconnaît. On s’arrange. Comment faire une autre vie hein ? Je suis de Clermont, mais je ne connais pas Clermont, je veux qu’on m’accompagne, je connais pas tel endroit ou tel endroit.