Irremplaçable

C’est le titre du roman qui raconte la vie de ses parents, et aujourd’hui c’est celui qui convient le mieux à sa disparition.

Elie n’est plus de ce monde, n’est plus là, et il sera à jamais irremplaçable. Des êtres comme lui sont fruits de telles conjonctions que rien ni personne ne peut lui ressembler. L’on me dira que c’est valable pour tout le monde ; pas exactement, Elie est irremplaçable même pour ceux qui ne l’ont pas connu.

J’ai rencontré Elie Robert Nicoud au salon de Saint-Etienne en 2019. Voisins de tablée dans un angle du barnum, nous avons affronté ensemble le vent froid et Valérie Trieweiler. La journaliste et ex de président signait des livres à notre droite et attirait tous les chalands qui nous ignoraient tous les deux. De cette solitude marchande, nous avons amorcé une amitié. Elie et Dalie, sont dans un bateau et Valérie nous met à l’eau et ça nous faisait rire. Elie me donne des conseils sur la manière d’aborder les gens, sur les dédicaces, c’est mon premier salon, pour le faire rire, je fais le clown. Comme si nous nous étions rencontrés dans une cour de récréation, on parle, de littérature et de boxe.

Je découvre la bonté paisible et toute chaleureuse d’Elie. De sa gueule et de sa timidité il me raconte sa vie, ses parents, sa femme, ses enfants. En deux jours, nous voilà compagnons de mots, à vie.

« Surtout, n’achète pas tous les livres qui te plaisent dans le salon tu vas te ruiner et t’auras pas le temps de les lire » et il m’offre le sien par la poste.

Elie est un écrivain merveilleux, modeste quand d’autres font jabot de leur vide, lui dissimule ses finesses.

l travaille dur. Il me le dit tout paisiblement, il multiplie les travaux de traduction et même les identités. Il s’appelle Louis quand il ne s’appelle pas Elie. Sous le nom de Louis Sanders il écrit des romans policiers. C’est un grand conteur et un styliste talentueux qui aurait mérité plus grande faveur de la presse, de la critique et des lecteurs.

La dernière fois que nous avons échangé c’est en novembre 2022, il ne m’a rien dit de sa maladie, simplement il ne pouvait me fixer de date pour cette rencontre littéraire que je voulais organiser dans mon lycée. Je voulais que l’on rencontre Elie, que l’on voit aussi l’entraîneur de boxe et l’écrivain, l’homme de style et l’homme tout court. Il avait tant à partager. Je suis allée à Saint-Pardoux La rivière, j’ai fait un peu de boxe et de littérature. Tout ce qu’il savait, il voulait le transmettre ; les véritables généreux ne mesurent jamais leur don, et n’en parlent jamais. Il était de ceux-là.

C’était un esthète, un boxeur et un esthète, voilà, il meurt et part avec lui quelque chose d’irremplaçable : cette alliance de force, de douceur ; cette profondeur d’écriture et d’analyse, cette discrétion alliée à un charisme calme et généreux.

Paix à ton âme Elie. Paix à ton âme.

dalie