La Disparition d’Hervé Snout, le régal oxymorique du roman d’Olivier Bordaçarre.
29 février 2024 2024-02-29 15:24La Disparition d’Hervé Snout, le régal oxymorique du roman d’Olivier Bordaçarre.
La Disparition d’Hervé Snout, le régal oxymorique du roman d’Olivier Bordaçarre.
La Disparition d’Hervé Snout, le régal oxymorique du roman d’Olivier Bordaçarre.
Image d’une viande qui mitonne dans la marmite familiale, attente du père, Hervé Snout ; la mère, Odile, apparente perfection de la femme qui allie travail et famille, Eddy, adolescent au strabisme convergent, Tara, adolescente incomprise finissent par s’attabler sans Hervé, pourtant c’est son anniversaire, il a 45 ans.
Au croisement du roman policier, du roman dit noir, du roman social, du scénario caustique, de l’énigme littéraire, le roman d’Olivier Bordaçarre raconte une enquête à rebours sur la disparition d’un homme le jour où on avait préparé à son intention un bœuf bourguignon. Hervé est un homme en vue mais finalement peu apprécié, directeur d’un abattoir, il mène ses équipes, sa famille avec toute la fatuité du pouvoir, signe d’une impuissance existentielle. Les portraits sont taillés comme dans la viande des pauvres bêtes dans la chaîne de production, au couteau, à la machette, au hachoir, c’est la juste vengeance littéraire d’Olivier Bordaçarre contre les violences tranquilles de notre société : violences contre les femmes, contre l’enfance, contre les travailleurs, contre l’animal.
Toutes les violences sont reliées entre elles, toutes tenues dans le mouchoir de poche capitaliste et patriarcal.
Le travail littéraire joue de tous les codes de genre et propose un texte qui allie expérience de l’horreur, de la tendresse, de la mélancolie, de la colère et du scandale pour raconter cette plongée au cœur du système industriel de l’alimentation carnivore et au cœur d’une famille, pur produit vicié d’une société soucieuse de posséder, de diriger, de vivre sans vraiment jouir de vivre.
On est époustouflé par les hypotyposes* des scènes d’Abattoir, bouleversé par les scènes d’amitié, par la force d’amour des personnages accidentés qui créent des alliances de douceur dans la brutalité absolue des mondes décrits ; on est ému, et amusé aussi.
L’énigme policière est l’arrière-plan de cette construction qui joue de la chronologie pour faire le portrait des lieux comme des gens : l’abattoir, le collège, le commissariat de police, la maison. Toutes les formes carcérales dans lesquelles les êtres exercent leur domination sous couvert d’épanouissement et de valeurs morbides.
Les portraits et les récits de vie dépeignent des existences brisées qui touchent, des amitiés et des amours émancipatrices qui font sourire.
Ce roman est un régal, un régal oxymorique qui souligne tout l’art littéraire d’Olivier Bordaçarre, art du conteur, art du poète, art du pamphlétaire qui se permet toute la causticité corrosive sans nuance qui fait jubiler le lecteur assez heureux de partager une cruauté justicière avec l’écrivain.
dalie Farah
*Hypotypose : Figure de style consistant à décrire une scène de manière si frappante, qu'on croit la vivre.