L’antisémitisme n’est pas une opinion politique, la confusion des événements, des êtres et des manipulations politiques a-t-elle vraiment réussi à le faire croire ?

L’antisémitisme n’est pas une opinion politique, la confusion des événements, des êtres et des manipulations politiques a-t-elle vraiment réussi à le faire croire ?

L’antisémitisme n’est pas une opinion politique, la confusion des événements, des êtres et des manipulations politiques a-t-elle vraiment réussi à le faire croire ?

L’antisémitisme n’est pas une opinion politique, la confusion des événements, des êtres et des manipulations politiques a-t-elle vraiment réussi à le faire croire ?

J’écris ce texte en regrettant de l’écrire, je le fais pour mes amis juifs, de centre droit et certains de gauche. Ils ne m’ont rien demandé, je crois qu’ils m’évitent.

 Arabe apparente (Berbère en fait) et de gauche, je ressemble à une ennemie. Ils ont tort. Mais je les comprends.

Je les comprends car personne ne se remet d’un traumatisme aussi violent que le 7 octobre sans dommage. Les otages encore captifs, les drapeaux palestiniens sont pour certains le renouvellement de la sidération du 7. Chaque manifestation où les mots « otage » et « terroriste » ne sont pas prononcés est vécue comme un déni profond du traumatisme du 7.  Ce chiffre, dit parfait, celui de l’homme paraît-il est un chiffre biblique qui sonne comme la malédiction de notre époque. Il a rompu des digues et libéré la géhenne. Il œuvre à un ressentiment épais, insondable qui aura besoin de plusieurs années pour être éventuellement apaisé, pour l’instant, il est optimisé.

La sidération et l’emprise se poursuivent avec le massacre opéré par le gouvernement israélien. Être juif et de gauche est une quadrature parfois intenable, le sang versé a créé une frontière plus tangible que le Jourdain. Il est ordonné de choisir sa rive. Dans le déni ou la reconnaissance de ce massacre, le rapport au réel et les conflits de loyauté bouffent le cœur des gens de gauche. Le ressentiment, ici, encore, prend la forme des cris de terreurs qui n’en finissent pas, ils sont encore optimisés.

Le rapport de force actuel saute aux yeux, mais l’on sait que le terrorisme naît souvent des cendres, qu’il est impossible de lui faire la guerre, car par définition, le terrorisme n’a pas vocation à faire la guerre mais à terrifier. Lorsqu’il y a une seule armée, est-ce toujours une guerre ? La double optimisation du sang ne doit-elle pas nous renseigner sur la confusion actuelle et ne pas en être victime ?

Je ne sais pas où ces événements nous mènent mais je vois que le monde continue comme il est, que ces violences récentes se dissolvent dans les enjeux économiques mondiaux. La guerre véritable est rarement décidée par des soldats mais par des militaires. Ce que je veux affirmer ici, c’est que l’antisémitisme n’est pas de gauche, que les opposants à Netanyahu – juifs compris – ne sont pas antisémites, c’est une évidence qui semble étouffée dans le tumulte des ressentiments.

Ce qui est insoluble est simple : il n’y a pas désir de paix.

Formuler une allégeance de manière inconditionnelle est un piège politique.

Jean Zay, juif apparent et de gauche.

IL y a quelques temps j’ai écrit une pièce sur un homme que j’aime énormément : Jean Zay. Mon lycée porte son nom. C’est une pièce écrite pour mes étudiants. Jean Zay a été assassiné, parce qu’il était JUIF et DE GAUCHE. Il a été assassiné par la Milice d’extrême-droite. Quand on observe son histoire de près on voit à l’œuvre les mêmes opérations de confusions, on a mis en doute son patriotisme, on a menti sur ce qu’il a fait, il obtient la même condamnation que Dreyfus. Il a été incarcéré pas loin de ma ville et on a fait croire à sa libération pour l’abattre et l’enterrer nu. Jean Zay est à l’origine de nombreuses réformes de gauche dont nous profitons aujourd’hui : elles sont tournées vers le savoir et l’art. Oh, c’était pas un saint, mais un homme politique dont la réalité de la mort a été tue pendant des années. On a fait croire que les Allemands étaient responsables de sa mort. C’est la France qui a tué Jean Zay parce qu’il était JUIF, de GAUCHE et PACIFISTE.

Le 20 juin, on pourra commémorer les 80 ans de sa mort.

Et au passage, non, je ne me compare pas à Jean Zay – comme on aura vu, je ne suis pas ministre.

La jouissance de la xénophobie est un désir de violence

Je ne suis pas idiote, j’imagine que l’on peut être antisémite et de gauche aujourd’hui. Je ne suis pas idiote, je sais que certains juifs ou pas, sont heureux de pouvoir voter RN sans la culpabilité qui va avec, ils sont pris dans l’affect xénophobe depuis des années et ont là une occasion d’orgasme politique inédit. Ils font semblant que ça leur coûte mais ils masquent mal leur jouissance. La xénophobie se polarise contre les Juifs et les Musulmans et les braguettes sont ouvertes, les exhibitionnistes sont de sorties, la France veut jouir. (Après avoir tant souffert) Je ne sais pas si on peut empêcher un désir qui vient de si loin.

Je crois que ne pas voter pour sa sensibilité de gauche en croyant lutter contre l’antisémitisme, c’est valider l’antisémitisme comme opinion politique. C’est faire comme l’extrême-droite qui a transformé l’islamophobie en opinion voire en programme politique. Cette opération est une opération de confusion, une opération à perte, une opération de destruction.

Il faudrait peut-être inventer un front commun de défense de toutes les minorités mais comment faire quand chacune pense être menacée par l’autre ? Je n’ai jamais eu de sentiment d’appartenance, il m’est aisé d’aimer sans condition, aisé de ne pas me mettre en colère, de ne pas avoir de clan. C’est aussi ma faiblesse cause de suspicion à mon égard : si je ne suis pas pour, c’est que je suis contre. J’ai beau écrire et écrire ce que je défends, ce à quoi je m’oppose, tant que je ne me détermine pas contre, j’incarne un flou dangereux. Je ne suis pas floue, je suis pacifiste et fatiguée ; je ne suis pas floue, je déteste obéir et prêter allégeance, je n’aime pas la hiérarchie ; toutes les fables identitaires (et hiérarchiques) sont mortifères, prétextes à violence, à conquête, à domination. L’Histoire nous le montre, nous l’a montré, nous le montrera.

Je ne donne pas de consignes de vote – à quel titre ? – j’ai un rapport confus aux élections depuis 2007. Si je vote Front de gauche c’est parce que je sais ce que la justice sociale est la base de tout. Si je vote Front de gauche, c’est en conscience que les forces économiques seront plus puissantes que lui. Si je vote Front de gauche, c’est parce que je n’en peux plus de voir la vulnérabilité des êtres frappée par des lois injustes et violentes. Si je vote Front de gauche, c’est en conscience que ma classe bourgeoise me protège toujours des lois qui blessent la majorité et les minorités. Si je vote Front de gauche, c’est dans l’espérance que les mots et les actes devenus communs ne stigmatisent plus, qu’ils puissent porter les Français d’origine sémite, quels qu’ils soient. Si je vote Front de gauche, c’est parce que je suis incapable de ne pas voter.

dalie Farah