L’art de râler (à la française), Roumègue par le collectif Le Bruit des cloches : à voir !
17 mars 2022 2023-02-05 12:14L’art de râler (à la française), Roumègue par le collectif Le Bruit des cloches : à voir !
L’art de râler (à la française), Roumègue par le collectif Le Bruit des cloches : à voir !
Mais qu’elles sont talentueuses ces filles, mais quel talent de faire ce spectacle sans prétention mais avec exigence. Depuis leur jeunesse mais avec maturité.
Je m’improvise invitée surprise des générales où l’on veut bien m’accepter. En regardant ces deux femmes sur scène, j’ai fait une prière aux dieux du théâtre, faites que je puisse écrire pour ces gens-là.
Que c’est beau ce long prologue où deux femmes affairées subissent le métronome du travail et finissent en Chapline et en Keatone à lutter contre la fatalité de l’échec sans réussir à dominer la folie des événements fâcheux qui les écrasent. Que c’est brillant ce dialogue de râleries à la française, tout va mal, mais tout va mal, qu’elles sont douées à écrire (Noëlle Miral) et à jouer ce mono/dialogue sur les remontrances qu’on fait au monde, aux choses, à la vie. Que c’est drôle cette course des plaintes.
Eva est juste dans son rôle de femme épuisée qui en a marre, marre d’être fatiguée, et fatiguée d’en avoir marre et Ninon est merveilleuse dans sa fatigue flegmatique et lasse. Le duo fonctionne comme une mécanique tragi-comique du quotidien, où vient se glisser à un moment inattendu le témoignage audio d’une femme. Une femme du réel qui parle de sa vie de femme de ménage. Poignant et pas instrumentalisé. (merci pour ça) J’entends ma mère, je me vois avec elle passant et repassant la serpillère, contemplant l’ordre établi après plusieurs heures de ménage et le rituel : on éteint la lumière, le corps est fatigué mais a accompli – invisible – ce qui devait l’être. La femme a l’accent de mes origines, la femme sait que son seul diplôme c’est son corps mais que ce « diplôme est cassé » à force de travail…
Ninon et Eva jouent un duo avec et sans paroles, Ninon chante aussi, vous aimerez la chanson des « ça va » très belle trouvaille. Schopenhauer et son fatalisme doloriste est moqué avec brio par Eva, parce que ces femmes, ces êtres râlent donc roumèguent mais retournent vivre et ne font pas que se pleurer dessus.
Vous allez donc vivre un spectacle en patchwork cocasse, émouvant, absurde, chantant : laissez-vous porter pendant une heure et ça ira bien.
dalie Farah
Mise en scène : Noëlle Miral – Samuel Dhoye en assistant à la mise en scène
| Assistante chorégraphique : Sandrine Sauron | Régie son et lumières : Manon Péchoultres
| Interprétation : Ninon Borsei
et Eva Murin