S’étonner pour aimer à jamais, All over Nymphéas par Emmanuel Eggermont à La Comédie

S’étonner pour aimer à jamais, All over Nymphéas par Emmanuel Eggermont à La Comédie

S’étonner pour aimer à jamais, All over Nymphéas par Emmanuel Eggermont à La Comédie

S’étonner pour aimer à jamais, All over Nymphéas d’Emmanuel Egermmont

S’étonner d’un décor bleu en polygones hétérogènes, s’étonner de ces carillons géants suspendus, s’étonner des corps solitaires en mécaniques métronomes qui traversent le plateau, s’étonner de robots magnétiques inexpressifs dans un univers futuriste qui se muent en faunes de marais, de lac. Héron et flamand roses, grues, les échassiers, tendances et chics, élégants et ciselés sectionnent  le temps et l’espace de leur trajectoire automatique et improvisée.

Les nymphéas sont des oiseaux qui ne fanent jamais. Ils dansent.

Vois-tu cette filiforme blonde qui découpe l’air et l’espace avec ses jambes en cutter, vois-tu celle-là qui déhanche un souvenir de ses cuisses puissantes, regarde  l’homme noir, mystère insondable et fluide qui marche comme on souffle sur la peau d’un être qu’on aime. Vois-tu celle-ci, poupée articulée et ployée qui sautille ses rêves comme une enfant oubliée dans un parc et lui. Lui c’est le majordome impossible, celui qui ne trouve sa place que dans une marge visible, celui qui ne sait comment être et finit nu, dos au public, il cherche son corps en lui-même, le désarticule pour retrouver son espace intérieur, il change de costume, se moque de lui-même, burlesque marionnette ballottée par des forces qu’il ne comprend pas mais qu’il suit, comme on suit le fil d’une rivière.

Ils sont cygnes et canards, ils sont abstraits, des lignes de fuite, des cercles, des triangles ; la danse ne raconte pas, elle transmet une énigme, le spectateur tend le cou, devient lui aussi animal des marais, il voit les corps allongés, recroquevillés dans un méchant souvenir, ou au contraire portés par un désir sucré de vie. Si l’on veut bien accepter l’étonnement, alors, on se prend à tout aimer.

©Jihyé Jung

Même la musique est bleue.

Tout sonne juste. Tout sonne vrai. La musique revient elle aussi en boucles, en boucles ouvertes et fermées comme une comptine d’enfance. L’entêtement rassurant et parfois mélancolique d’un chant qui revient en mémoire d’un passé révolu. Ici, la comptine est contemporaine est électronique, la mélodie est simple comme une fugue mais la construction architecturale s’harmonise dans un jeu complexe avec les corps et l’espace. Portés par un tempo aléatoire, les corps signature défilent comme à la fashion-week pour se désarçonner comme emportés par une transe chimique toute de bleue vêtue avant de s’allonger en postures régressives de repos, d’épuisement ou de renoncement.

La lecture physique, matérielle du tableau de Monet nous bouleverse. Emmanuel Eggermont, Eva Assayas, Mackenzy Bergile, Laura Dufour et Cassandre Munoz nous tendent gracieusement les bras, ils se racontent, se dévêtent, les leitmotiv sont autant de gestes d’amour qu’on est en droit d’accepter. Le peintre a représenté les nymphéas 250 fois, autant de pulsations vitales que ce spectacle nous transmet. Les cinq danseurs représentent leur solitude, celle de l’animal humain, mais aussi leur désir de duos : ils ne se croisent pas, mais ils se rencontrent sur ces lignes géométriques du décor symbole d’une eau, d’un ciel, d’une nuit, d’un matin où il y aurait à opérer une danse qu’on aimerait parfois perpétuelle : la vie.

dalie Farah

Concept, chorégraphie et scénographie
Emmanuel Eggermont
Collaboration artistique
Jihyé Jung
Musique originale
Julien Lepreux
Création lumière
Alice Dussart
Costumes
Emmanuel Eggermont, Jihyé Jung et Kite Vollard
Régie plateau
Lucie Legrand
Production et diffusion
Sylvia Courty
Administratrice de production
Violaine Kalouaz

A VOIR ABSOLUMENT A LA COUR DES 3 COQUINS

24 > 26 novembre à la Cour des Trois Coquins (Clermont-Ferrand) Aberration avec Emmanuel Eggermont

https://www.boomstructur.fr/event/aberration-7/