Vademecun pour un député français pressé

Vademecun pour un député français pressé

Vademecun pour un député français pressé

Au Pays de la parole, les menteurs sont rois quand les violences faites aux vulnérables sont retournées contre eux.

Je n’ai plus la force d’entendre les hurlements contre ceux qui souffrent parce qu’ils souffrent, plus la patience de la bêtise des forts qui ont peur – à juste titre- de perdre leurs privilèges, plus l’aménité d’écouter les jérémiades nostalgiques inutiles des cœurs bouffés par le ressentiment.

J’ai été contactée pour des comités de soutien de ci, de là.

Femme de gauche, je tiens à ma liberté et je préfère soutenir des associations que des partis. Mais je me suis dit que je pouvais fournir quelques pistes de réflexions ou conversations de comptoir aux députés qui se présentent de ci, de là. La parole proverbiale n’est jamais que sagesse facile, mais il me semble que cela peut permettre quelques thèmes de discussions.

La première fois que j’ai lu Les animaux malades de la peste, j’ai pleuré, sangloté. L’injustice justifiée aux yeux de tous par la complicité de tous pour protéger ses intérêts me bouleversait. J’étais avec l’âne, avec celui qui confessait son piètre péché et en était condamné. Notre époque salive et fulmine à la recherche de boucs-émissaires, les temps sont sombres du pessimisme du sang aux babines des coupables qui cherchent un innocent contrit à punir. Je suis toujours émue à la lecture de la fable, toujours émue de cette rigoureuse organisation à la destruction du plus faible. Ne me demandez pas d’être forte. Ne me demandez pas de choisir un camps, ne me demandez pas de juger, de haïr. Oh, je la vois la bêtise de l’âne à montrer sa faiblesse, son incapacité à se défendre, à parler juste ; imbécile qui se condamne quand il ouvre la bouche. Je me défends de l’optimisme comme du pessimisme, je m’accroche à une force constante et concrète : la vie. Je suis vivante et c’est une chance, une joie. Alors c’est avec légèreté mais gravité joyeuse que je me livre à ce jeu de mots apologique en écrivaine publique que je suis.

Les animaux malades de l’argent

Second recueil dédié à MMES ET M. les députée.e.s Livre VII, Fable 1

Un mal qui répand la terreur,

Inventa pour punir les crimes de la terre,

Les animaux malades de la peste.

L’argent (puisqu’il faut l’appeler par son nom)

Capable d’enrichir en un jour le rentier,

Faisait aux animaux la guerre.

Ils ne souffraient pas tous, mais tous étaient frappés :

On n’en voyait point d’occupés

A chercher le soutien d’une affolante vie ;

Nul rêve n’excitait leur envie ;

Ni Loups ni Renards ne proposaient

La douce et l’innocente solidarité

Les Tourterelles regardaient des séries :

Plus d’amour, partant plus de joie.

Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,

Je crois que le Ciel a permis

Pour nous cette course à la fortune ;

Que le plus coupable de nous

Se sacrifie aux traits du céleste courroux,

Peut-être il obtiendra la guérison commune.

L’histoire nous apprend qu’en de tels accidents

On fait de pareils dévouements :

Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence

L’état de notre conscience.

Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons

J’ai dévoré force actions.

Que m’avaient-elles fait ? Nulle offense :

Même il m’est arrivé quelquefois de licencier

Sans raison pour mon seul bénéfice,

Je me dévouerai donc, s’il faut un sacrifice

Mais je pense qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi :

Car on doit souhaiter selon toute justice

Que le plus coupable périsse.

On n’apprend pas aux vieux singes à faire des grimaces,

mais il faut apprendre aux handicapé.e.s à performer

Que le poids de leur faiblesse ne nous efface

Qu’ils cessent de réclamer ce qu’ils ne peuvent mériter

C’est cui qui dit qui est et le racisme ressenti par les Noirs

Les Asiatiques et les Arabes, est surement cause de ce désespoir,

Ces gens-là exagèrent, ils mentent, de là vient la faute

Et il faudrait pour leur bonheur envoyer forces mains et bottes.

– Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;

Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;

Et bien, avilir paysans, ouvriers, hôtesses de caisses,

Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur

En les précarisant beaucoup d’honneur.

Et quant aux syndicalistes l’on peut dire

Qu’ils étaient dignes de tous maux,

Etant de ces gens-là qui sur les biens sociaux

Se font un chimérique empire.

Ainsi dit le Renard, et flatteurs d’applaudir.

Les bons comptes font les bons amis,

 S’il y a trop d’agressions sexuelles,

C’est que les femmes en parlent trop,

Il est insupportable que venant d’elles,

Nous soyons imputables de ces maux,

L’impunité de leur parole nuit à la vérité,

Il faut sans coup férir les faire taire,

Leur silence sera garant de l’équité.

On n’osa trop approfondir

Du Tigre, ni de l’Ours, ni des autres puissances,

Les moins pardonnables offenses.

Il ne faut pas vendre la peau de l’ours

Avant de l’avoir tué mais, quelle société

Peut supporter ces vieux non coté en bourse

Il faut en Ehpad, les battre et les affamer.

Tous les gens querelleurs, jusqu’aux simples mâtins,

Y allèrent de leur proposition,

L’on put ainsi proposer plusieurs questions

De la part des forts qui sont toujours des petits saints.

Les apparences sont trompeuses, sauf pour les femmes

Voilées pauvres, ce sont des pubs pour le terrorisme

Contre elles, ils nous faut prendre les armes,

Qu’elles disparaissent de notre vue, en larmes,

Qu’elles soient coupables uniques du religieux fascisme,

Et nous innocents du commerce mondialisé, gloire à son âme.

La vengeance est un plat qui se mange froid,

 Le capitalisme va l’expliquer au climat.

Qui vole un œuf vole un bœuf,

C’est pour ça que l’herbe est verte en Suisse et au Panama

Mauvais esprit qui pense que le bœuf

Doit être taxé pour la solidarité et les droits

De tous, la protection des faibles et des services communs

Ces saletés de pauvres, ces assistés, qui mendient leur pain.

Ne remets pas au lendemain ce que tu peux faire le jour même,

Surtout si c’est la casse des services publics

Gouffre sans fond qui amoindrit nos gains, problèmes

Que l’école, l’hôpital et les soins, qui ne rapportent rien.

L’Âne vint à son tour et dit : J’ai souvenance

Qu’en un pré de Moines passant,

La faim, la guerre, l’herbe tendre, et je pense

Quelque collectif aussi me poussant,

Je refusais d’obéir et organisais ma résistance.

Je n’en avais nul droit, puisqu’il faut parler net.

A ces mots on cria haro sur le baudet.

Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue

Qu’il fallait dévouer ce maudit animal,

Ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal.

Sa rébellion fut jugée un cas pendable.

Cet âne-là, annonce partout que la planète meurt

Que c’est une urgence, il nous brise le cœur

Résister à autrui ! quel crime abominable !

Rien que la mort n’était capable

D’expier son forfait : on le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable,

Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.

Notre siècle numérique qui aime le progrès

Pendra haut et court les autonomes et les résistants

Ceux qui n’auront pas pris comme Dieu leur argent,

On montrera du doigt tous les innocents

On traquera les désobéissants,

Du crime planétaire, qu’il faudrait contempler en souriant.

Cher député français, La Fontaine et bien d’autres l’ont écrit depuis longtemps, l’intérêt ne peut être général, même dans une démocratie si les intérêts financiers et de pouvoir sont les maîtres des mots et des décisions. Il n’y a pas d’intérêt général quand le nombre des vulnérables augmente et que les structures pour les aider s’affaiblissent. Un représentant démocratique ne peut représenter que s’il s’oublie et défend les faibles auxquels cas il ne représente que lui même et tous ces autres dont la sagesse proverbiale prête aux ânes le pouvoir de faire venir la peste en mangeant de l’herbe.

dalie Farah

Les animaux malades de la Peste

Second recueil dédié à Madame de Montespan, Livre VII, Fable 1- Jean de la Fontaine

Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni Loups ni Renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements :
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger. Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter selon toute justice
Que le plus coupable périsse.
- Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ;
Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur
En les croquant beaucoup d'honneur.
Et quant au Berger l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'Ane vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de Moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense
Quelque diable aussi me poussant,
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le baudet. Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.