Gens de Clermont I- L’entre-deux villes (Clermont et Montferrand)

J’ai dans l’idée d’écrire ma ville et leurs habitants comme un géographe cartographie et comme un historien travaille sur des archives. J’ai commencé grâce à un projet initié par Loïc Nowak à la Cour des 3 coquins dans le cadre du master de création contemporaine. Le premier opus a été écrit à 8 mains, les autres volets pourront être écrits seule ou avec d’autres.

Le projet concerne l’écriture située entre deux villes qui sont à l’origine de la création de la ville. J’ai pu encadrer deux étudiants en stage dans le cadre d’un master de création, leur transmettre la manière de faire un recueil et quelques techniques d’écriture documentaire et littéraire. Comment saisir le réel, l’interpréter sans le trahir, sans le forcer. On s’est attaché à écrire des rues, des personnes…mais aussi des événements appartenant à l’histoire grâce à la consultation des archives avec Boris Klein, écrivain et historien.

Textes à dire et à lire, à jouer et à penser. recueil et Commande d’écriture

Noëlle Miral

Ecriture collective avec dalie Farah, Boris Klein, Eugénie Montillet et Thomas Richard – Master de de création contemporaine- Université Blaise Pascal.

Une lecture orchestrée par Noëlle Miral sera proposée par les élèves du Conservatoire de Clermont-Ferrand le 10 mars 2023.


Extrait : 
Le Kebab- dalie Farah 
UN-Le Saint-Georges a fermé.  
DEUX- C’est bien ?  
UN-Ben non. Ils ont ouvert un kebab. 
DEUX- C’est bien ? 
UN- Ben. Tu le savais toi, fut un temps qu’il y avait trois ou quatre boulangeries avenue Charras ? 
DEUX- Non. 
TROIS- C’est comme l’œuf et la poule. 
UN et DEUX- L’œuf et la poule ? 
TROIS- Tu sais toi si les commerces ont fermé parce que les gens achetaient leur pain ailleurs et moins cher ou si les gens sont allés acheter leur pain ailleurs parce que les commerces ont fermé ? 
(Silence)
 TROIS- Vas-y dis-le. 
UN- Dis-le quoi ? 
TROIS- Que tu penses qu’un kebab c’est moins bien qu’une boulangerie. Dis-le. 
UN- Oui, j’ai pas honte de le dire, un kebab, c’est moins bien qu’une boulangerie, c’est pas… c’est pas pareil, c’est moche… et c’est pas… c’est pas pareil… c’est autre chose et surtout. 
TROIS- Surtout ? 
UN- Y en a trop. Voilà.  
TROIS- Y en a trois. 
UN- Ben c’est trop. 
DEUX- Vous êtes déjà allé manger chez Nabil ? 
TROIS- Qui c’est ? 
DEUX- Le tenancier d’un restaurant familial dont vous parlez. 
UN- Restaurant familial ? 
DEUX- J’y suis allé avec mes gosses, la pizza et les nans sont cuits dans un vrai four à pizza. 
UN- Y a des pizzas ? 
DEUX- C’est délicieux, le petit goût de four, ça fait Italie. 
TROIS- Les nans c’est pas indien ?  
DEUX- Ils font un burger au poulet super bon. 
TROIS- C’est pas américain les burgers ? 
UN- Oui, bon, c’est ce que je disais, c’est pas pareil, un kebab c’est pas français. 
DEUX- On était assis au soleil, pas loin du parvis de l’église Saint Joseph, ça s’appelle K.N.C family, King, Nan, Cheese Family. 
UN- C’est pas français tout ça. 
DEUX- Peut-être mais c’est super bon. 
UN- Ça vaut pas Chez Mario. 
DEUX- C’est vrai que c’est bon chez Mario. Moi, j’adore le bobun crevettes de la viet’s Canteen en bas vers le Château-Rouge. 
UN- Encore un truc pas français.  
DEUX- Oui mais c’est super bon, ces gens c’est pas des radins, tu prends une portion ça te nourrit la famille.  
TROIS- Tu veux de la gastronomie va au Ducher en face d’Intermarché, ou tu vas au restaurant école, Toque Académie. Tu veux des burgers américains et français va rue Anatole France, ils font faire leur pain en boulangerie et prennent la viande chez le boucher. Ça a toujours existé, on mange des trucs des autres pays quand on trouve ça bon. Je t’ai jamais vu manger du Pounti, moi. 
UN- Ben j’aime pas ça. 
TROIS- Voilà, ben c’est auvergnat, donc français. Et t’aimes pas ça. Le couscous t’en mange et tu râles pas, non ? 
(Silence) 
DEUX- T’énerves pas. C’est juste que ça lui fait peur. Le changement.  
(Silence) 
UN- Je sais pas bien où ça va. Je ne sais pas comment je vais vieillir ici. Et comment ça va se passer. Je crois que ça me rend triste quand je passe dans une rue, que les commerces sont fermés et que mes souvenirs ne se reconnaissent plus. J’ai presque plus le goût de mon passé tellement ça change vite et je n’ai pas l’imagination pour l’avenir. Alors, ça me fout la trouille. 
(Silence) 
DEUX- C’est français Picard ?