Un si beau roman, Mal Parti de Monique Jouvancy

Un si beau roman, Mal Parti de Monique Jouvancy

Un si beau roman, Mal Parti de Monique Jouvancy

Un si beau roman, Mal Parti de Monique Jouvancy

C’est un texte paru en février 2017, je l’ai lu il y a quelques semaines et voulais trouver un temps véritable pour en parler. En ce dimanche de rien, recluse depuis ma peur de dehors, lovée dans ma pièce d’écriture je vois le livre posée sur ma table.

Ce qui me retient, c’est la crainte de mal faire, mal dire sur ce livre que j’ai lu d’une traite, que j’ai lu dans la douceur incroyable du récit menée avec majesté par Monique Jouvancy.

Je la connais peu, je l’ai croisée quelques fois. Les premières fois, cette grande dame m’a fait peur, et j’ai un peu débordée dans mes comportements avec elle, puis les autres fois, je l’ai trouvée si drôle et si fine, passionnante à vrai dire, alors je l’ai lue.

Si l’on veut résumer Mal Parti, on ne dit pas grand chose, l’histoire d’un gamin qui porte l’échec comme une donnée ADN dans des prophéties paternelles auto-réalisatrices. C’est le temps de la lecture qui fait advenir le livre et c’est le signe d’un art accompli.

Mal Parti, est un bijou de retenue, de puissance contenue. La narratrice est la cadette de la fratrie, effacée du récit et en même temps messagère de tous les autres, y compris des fantômes dont les secrets et les non-dits mangent le cœur des êtres.

Mal Parti, raconte l’échec à être mais aussi le désir d’être aimé à tout prix. La figure du père domine comme un méchant et faible messie les vies de ceux qui l’entourent. Dans un nuancier et une composition subtils Monique Jouvancy écrit des vies, le temps qui passe et la perte infinie de ce qui n’a jamais lieu.

La poéticité n’est jamais en force, jamais en démonstrations stylistiques, en tripailles exacerbées, c’est doux, beau, modeste aussi, donc bouleversant.

La belle distance de Monique Jouvancy est pour moi le cœur d’une écriture de l’enfance. En exergue, elle cite Beckett : « C’est le commencement qui est le pire, puis le milieu puis la fin ; à la fin, c’est la fin qui est le pire.  » Dans ce mouvement tragique, elle ne désespère pas, elle est comme moi, elle n’est pas espérante, et j’ai aimé cette bonté des êtres aux prises avec la vie méchante avec eux.

Voilà la phrase de la quatrième qui reprend l’incipit. Mais la phrase véritable est encore plus déployée, dans uune période légère, un souffle comme une caresse sur la joue. La magnifique prose ample ou saccadé travaillée avec précision, minutie fait de ce petit livre, un grand livre, à offrir, à lire et à relire comme un souvenir heureux qu’on aurait oublié.

dalie Farah

Extrait : "Chaque semaine les colles arrivaient sous forme d’imprimés roses dans la boite aux lettres. Elles déclenchaient la furie du père, ses coups, gifles qui dévissaient la tête, plus rarement coups de ceinture dont l’effet retard soulageait moins sa rage, ou son mépris silencieux et glacé que subissait la famille entière […] Le père l’avait inscrit au certificat, on ne sait jamais, que risquait-on ? Il était entré en cinquième mais de justesse, une année désastreuse, pire que les précédentes, le père convoqué chaque quinzaine, mortifié d’entendre toujours les mêmes remontrances et se soulageant sur le fils en rentrant, pas de cris mais quelques termes bien sentis qu’il lui crachait entre les dents, l’ayant saisi par sa blouse grise qu’il tournait dans son poing jusqu’à l’immobiliser, petit abruti petit crétin. […] La réussite à l’examen ne compensait pas l’année désastreuse mais qu’est-ce qui aurait pu compenser le désastre auquel le père assimilait le fils. [… ] La mère suivait en tout le père, ne prenait jamais sa défense quand il grondait avec ses yeux noirs ses mains brutales, elle en rajoutait au contraire qu’est-ce qu’il a dans le corps l’animal."